Une longue nuit pour s'inscrire à la MAISON POUR TOUS - MJC des RANCY - Interview d'ERIC PELLATON , directeur

LYON J’ai testé pour vous

Une longue nuit à patienter pour s’inscrire dans une MJC

JEAN-CHRISTOPHE MORERALE PROGRES 19/09/2017

La queue pour les inscriptions à la Maison pour tous des Rancy, à l’angle Paul-Bert/Créqui. Photo Jean-Christophe MORERA
Quand le réveil sonne un samedi à 4 heures, on se dit que ce n’est pas bien raisonnable. Sortir de son lit bien chaud pour aller dans la rue faire la queue devant une MJC… Comment dire ? Il faut être sacrément motivé.

Il paraît que c’est un rituel auquel se livrent chaque année les futurs adhérents de nombreuses MJC lyonnaises. J’ai donc testé les inscriptions de la Maison pour tous des Rancy (3e ). En démarrant à 4 h 30, ça semble un peu fou et je me dis que je ne vais trouver personne sur place. Ou peut-être deux ou trois angoissés qui ont cru à cette légende urbaine.

• 4 h 45 : du monde !

D’où mon étonnement en arrivant de la MPT par la rue Vendôme : des tentes, des matelas, des duvets, des chaises pliables… Un camping sauvage, rue Edison. Je remonte la file, tourne rue Paul-Bert. Des gens. Encore des gens. Je passe l’angle de la rue de Créqui et ils sont encore quelques dizaines. Je prends ma place dans la file. Mi-étonné, mi-endormi, je m’assois sur le rebord d’un commerce et je regarde arriver d’autres visages aux traits tirés, d’autres chaises de camping. L’attente promet d’être longue.

• 5 heures : on papote

Les deux jeunes femmes qui sont arrivées juste après moi se connaissent. Leurs enfants vont dans la même école. C’est la première fois qu’elles viennent, elles ont décidé de se soutenir « pour être sûres d’avoir des places ». La conversation s’engage avec une trentenaire roulée dans un duvet à même le sol. « C’est comme ça tous les ans. Mais l’an passé, je suis venue à la même heure et j’étais plus loin. » Mince satisfaction, mais satisfaction quand même.

• 5 h 20 : je suis le 160e

La voisine est sortie de son duvet pour se dégourdir les jambes. Elle revient avec une info : elle a compté 163 personnes devant elle. J’en fais partie. Mais savoir que je suis le 160e ne me procure aucun réconfort sur le bitume froid.

• 5 h 35 : le flux des arrivants

Le trottoir est habité loin derrière moi. Je demande à mon voisin s’il veut bien garder mon sac et je remonte la file. Une petite centaine de personnes est arrivée. Mêmes thermos, mêmes chaises, mêmes discussions. L’attente crée une connivence. Personne ne s’énerve, nous sommes tous en attente volontaire.

• 6 heures : il pleut

Une goutte. Deux gouttes. Le temps se gâte et je réalise que j’ai oublié mon parapluie dans la voiture. Les autres sont mieux équipés… Je suis là depuis une heure et je compte encore trois heures et quart avant l’ouverture des portes. Gros soupir.

• 6 h 15 : on bouge !

Une agitation me tire de ma torpeur. La cohorte s’ébranle. Les campeurs rassemblent leurs effets et nous voilà partis pour avancer d’une vingtaine de mètres. Tout le monde se réinstalle. Et plus rien. J’apprendrai plus tard que les équipes des Rancy ont ajouté des vélums et que la foule s’est resserrée à l’abri.

• 6 h 30 : jusqu’à la rue Villeroy

La boulangerie ouvre. Un peu de réconfort. C’est forcément le meilleur pain au chocolat de ma vie. Je repars en expédition pour saluer l’arrière-garde. Les grognards piétinent maintenant jusqu’à la rue Villeroy. On dirait la Grande Armée de retour de Russie. Et pour que le tableau soit complet, il pleuvine.

• 6 h 50 : nuit noire !

Je suis revenu mettre le nez dans mon livre. Soudain, nuit noire. L’éclairage public vient de s’éteindre d’un coup. Je range mon livre. Ça s’agite devant. Les équipes de la MJC passent avec un chariot à roulette : « Thé ? Café ? Gâteau ? » L’avion a dû décoller sans que je m’en aperçoive. Les hôtesses et les stewards sont accueillis avec le sourire. Ce moment de réconfort est particulièrement bien venu.

• 7 h 20 : des toilettes sèches

Je demande à une voisine de garder ma place et je pars explorer l’avant-garde. Le camping dort encore. Je découvre des toilettes sèches installées pour l’occasion. Cet avion a tout le confort finalement.

• 8 heures : à l’abri

Un mouvement plus important me porte en vue de la MPT. Les campeurs ont rangé leur matériel. L’espace gagné me permet de m’abriter de justesse sous un vélum. Je remercie ma voisine qui m’a supporté sous son parapluie.

• 9 heures : enfin, le Graal

Après avoir patienté debout près d’une heure, je vois les portes de la MPT qui s’ouvrent enfin. Les sourires reviennent sur les visages fatigués. Nous progressons dans le calme jusqu’au hall d’entrée. Chacun s’égaille dans les étages à la recherche du stand de son activité. Des personnes courent pour être sûres de pouvoir s’inscrire à différents endroits. Il faut encore faire la queue devant certains stands. Puis aux caisses, pour régler le montant des activités. Mais tout le monde est tellement content de toucher au but que l’ambiance reste bon enfant jusqu’au bout.

Finalement, je crois que je reviendrai l’an prochain !

« On veut rebattre les cartes à chaque rentrée, favoriser le brassage des adhérents »

« Quand je suis arrivé il y a quatre ans, je savais que c’était un très gros rendez-vous de la Maison pour tous des Rancy. Mais tant qu’on ne l’a pas vécu, on ne peut pas comprendre. » Éric Pellaton est emballé par la formule d’une journée d’inscription unique. Pour le directeur de la MPT, « c’est un moment fondateur pour la saison et un élément de l’identité de la Maison ». Il reconnaît que « la journée peut être compliquée pour certains », mais assume le concept : « L’an passé, le conseil d’administration a clairement fait le choix de maintenir ce système qui existe depuis une douzaine d’années. On veut rebattre les cartes à chaque rentrée, favoriser le brassage des adhérents ». Pas de pré-inscription, tout le monde peut tenter sa chance. Cette année, 2 074 inscriptions ont été réalisées lors de cette journée d’ouverture, malgré la pluie (1 800 l’an dernier). Les activités les plus prisées se sont vite rempliées : sports collectifs, badminton, natation, etc. Le soir, 97 créneaux sur 350 étaient déjà complets. « On met vraiment les moyens en face : 150 bénévoles sont présents, on ouvre 32 caisses pour le paiement, des bénévoles viennent jouer de la musique, on sert le café et le thé aux gens qui font la queue… » Cette année, le premier était sur place la veille à 22 h 30 ! « C’est folklorique, mais on n’encourage pas ce genre d’habitude. Il y a des places pour un maximum d’adhérents », assure Éric Pellaton.